– Monique, Geneviève, Nicole, vous qui dévorez, pourquoi n’allez-vous plus à la bibliothèque ?
– Le seul fait d’entrer me met de mauvaise humeur. On a l’impression de déranger. Les femmes à l’accueil se cachent derrière un écran et papotent entre elles.
– Moi quand je pénétrais dans la bibliothèque de mon ancienne commune, j’avais l’impression d’être à la préfecture, avec un agent limite aimable, apeuré, derrière un comptoir trop haut pour moi.
– La dernière fois que j’y suis allée, je me souviens très bien. Il était 17h40 et l’établissement fermait à 18 h. Je savais que c’était un peu juste pour trouver des livres. Je voulais surtout rendre ceux que j’avais empruntés dont la date de retour était fixée au lendemain. Vingt minutes, c’était bien suffisant ! Sitôt que j’ai franchi la porte, les trois personnes en faction ont d’un même geste soulevé leur manche et regardé leur montre. A cause de moi, elles n’allaient pas pouvoir sortir à l’heure.
– Tu n’es jamais revenue ensuite.
– J’ai rendu les livres et suis repartie. Déjà que j’avais beaucoup mal à trouver ce qui me convenait. Me sentir indésirable, c’était trop.
Focus
Scénario alternatif
– Dans la bibliothèque que je fréquente désormais, l’accueil est chaleureux, que l’on soit de passage, qu’on s’y installe un moment, qu’on emprunte ou rende des ouvrages. Quand tu veux t’inscrire ou demander quelque chose, une bibliothécaire t’invite à t’asseoir à ses côtés et pas en face.
– C’est toujours la même ?
– Non, ça tourne. C’est sans doute pour ça qu’elles gardent le sourire. Elles peuvent recharger leur batterie et rester disponibles. J’imagine qu’aux heures où elle a elle-même pris son tour d’accueil, la directrice a mesuré l’enjeu de la posture et l’importance de l’agencement. Je t’avouerai que c’est comme au supermarché, j’ai mes préférences. Avec l’une d’elle, si elle est libre, on parle lectures. Qu’est-ce que ça fait du bien !
Action
C’est aux responsables de mettre l’accueil du public au centre des préoccupations de leur équipe et de lui en donner les moyens matériels et humains. En assurant eux-mêmes des heures en contact direct avec les visiteurs, ils signifient, aussi bien au personnel qu’au public, l’importance que revêt à leurs yeux cette fonction. Au besoin et si le personnel l’accepte – dans une grande médiathèque, les cadres l’ont refusée – on tentera une formation à l’accueil avec le risque d’exacerber les attitudes, plutôt que les faire évoluer.
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